FR – Responsabilité de la société cédante

Dans un arrêt très attendu (n° 23-16.700, 23-16.701, 23-22.778), publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de plus de 1 400 anciens salariés de Mory-Ducros, qui reprochaient à DHL une légèreté blâmable lors de la cession de son activité de messagerie à la société Caravelle en 2010. Cet arrêt vient confirmer la position stricte de la jurisprudence sur l’obligation de diligence d’un cédant dans une opération de cession d’activité déficitaire.

🧩 Le contexte : une cession controversée

En 2010, DHL cède son activité de messagerie en France à Caravelle (devenue Arcole Industries), pour un euro symbolique, assorti d’un apport de trésorerie de 240 M€. Deux ans plus tard, la société Mory, filiale de Caravelle, absorbe Ducros Express et devient Mory-Ducros. La société sera finalement placée en liquidation judiciaire en 2014, entraînant la perte de plus de 2 000 emplois. Les salariés ont alors assigné DHL et Caravelle, réclamant des dommages et intérêts pour avoir contribué à la disparition de leurs emplois par une cession fautive.

⚖️ La question juridique : DHL a-t-elle commis une faute en choisissant un repreneur « à risques » ?

Les demandeurs invoquaient notamment :
  • une légèreté blâmable dans le choix de Caravelle comme repreneur,
  • l’absence de vérification sérieuse de la viabilité du projet de reprise,
  • et le fait que cette faute aurait contribué à la déconfiture de l’entreprise, donc à la perte de leur emploi.

🏛️ La position de la Cour : pas de faute, pas d’obligation absolue

La Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel de Paris et rejette le pourvoi, en précisant plusieurs points clés :
  1. Pas d’obligation pour une société cédante d’assurer la viabilité du projet du repreneur, sauf en cas de fraude caractérisée (non démontrée ici).
  2. DHL avait suivi un processus rigoureux de sélection :
    • quatre candidats,
    • appui d’Ernst & Young,
    • apport de fonds,
    • choix d’un repreneur spécialisé dans le retournement d’entreprise.
  3. Le plan de reprise n’était pas dépourvu de sérieux, et la déconfiture n’était pas inéluctable en 2010.
  4. La cession ne peut être considérée comme la cause exclusive ni certaine de la faillite ultérieure.
🔍 En d’autres termes : le cédant n’est pas responsable des aléas économiques post-cession, s’il a respecté une certaine rigueur dans le choix du repreneur, et en l’absence de comportement frauduleux.

🎯 Un arrêt de principe sur la responsabilité post-cession

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante mais souvent discutée sur la responsabilité sociale et économique des cédants dans des contextes de restructuration. Il confirme que la simple dégradation ultérieure de la situation économique de l’entreprise cédée ne suffit pas à engager la responsabilité du vendeur, sauf à démontrer un comportement manifestement fautif ou frauduleux.

📌 En résumé

  • 🧾 Rejet du pourvoi des salariés contre DHL
  • ⚖️ Confirmation : pas d’obligation de garantir le succès du projet du repreneur
  • 🔍 Pas de faute prouvée, ni de lien de causalité direct avec la liquidation
  • 💡 Un message clair aux entreprises : rigueur dans la cession, mais pas de garantie de résultat exigée

👁️ Ce qu’il faut retenir

➡️ Cet arrêt est une référence majeure pour les entreprises en situation de cession d’activités déficitaires. Il rappelle que la prudence, la documentation du processus de choix, et l’absence de fraude protègent juridiquement les cédants. Mais il soulève aussi une question sociale : qui protège les salariés en cas d’échec post-cession, lorsque les garanties économiques sont faibles ou incertaines ?

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