L’état d’urgence sanitaire provoqué par la pandémie du Covid-19 a causé une paralysie quasi-totale des juridictions, et ce, au niveau international
Les différents organismes dénoncent déjà l’urgence d’une sortie de cette situation en raison de l’impact qu’elle a déjà sur l’activité économique de acteurs, sachant que l’être humain se trouve touché à différents niveaux.
Il en résulte que quelle que soit la date retenue pour le déconfinement, certains seront obligés de mettre la clé sous la porte et, pour les contentieux en cours ou ceux envisagés, le risque est grand pour que les délais de traitement des dossiers soient particulièrement longs, ce qui porte préjudice à l’activité économique des entreprises.
De plus, en l’absence de précédent tel que celui-ci permettant de connaître la position éventuelle des juridictions, il est légitime de craindre une certaine incertitude et il s’avèrera plus difficile d’anticiper le sens des décisions judiciaires qui seront prises.
La question se pose déjà de la place de la force majeure dans l’exécution des contrats, comme de l’effet de la bonne foi. Néanmoins, la meilleure réponse à une situation contractuelle ne peut-elle pas être contractuelle ?
Plutôt qu’un désastre ou une situation de blocage, l’état de crise sanitaire peut être regardé comme l’opportunité pour les entreprises d’adapter leur stratégie et de renforcer leurs relations avec leurs partenaires, en privilégiant des processus de négociation amiable, en dehors de toute procédure judiciaire.
Le raisonnement de plusieurs entreprises va dans le sens, à titre d’exemple, dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement, pour le fournisseur de récupérer ce qui est récupérable le plus vite possible, voire bloquer les marchandises non encore livrées, et du côté acheteur, de profiter du ralentissement de l’activité des juridictions pour ne pas régler les factures à temps.
Ce que ces deux partenaires pris à titre d’exemple ont omis, c’est qu’ils ont des intérêts communs et que la posture d’adversaires ainsi qu’une attitude belliqueuse, portera préjudice à leurs relations ainsi qu’à l’activité de chacun pris séparément, notamment en les entraînant dans un contentieux qui peut durer longtemps et être coûteux.
Il est ainsi parfaitement dans l’intérêt des entreprises de recourir à des modes amiables de résolution des différends et mettre en place un processus de négociation raisonnée, dans le respect du principe de bonne foi prévu par l’article 1104 du Code civil français.
De plus, il est possible d’utiliser les techniques de négociation raisonnée pour prévenir d’éventuels conflits en phase précontractuelle, afin d’adapter les négociations à la situation actuelle au lieu de les rompre.
Les entreprises ont en général cette volonté de négocier et d’éviter une rupture des relations commerciales. Elles n’ont néanmoins pas forcément la maîtrise des techniques nécessaires pour y parvenir.
C’est là qu’intervient l’avocat formé aux modes amiables de résolution des différends, ou qui leur est, du moins, favorable, pour accompagner les entreprises dans la négociation.
Le COVID-19 n’a pas rompu les négociations entre les parties, puisque des outils modernes sont aujourd’hui utilisés pour maintenir une activité au sein des entreprises et les relations entre partenaires.
Accompagnées ou non de leurs avocats, les entreprises pourront prendre contact avec leurs partenaires et organiser des visioconférences. Cette première approche permettra de connaître les besoins des parties, leurs préoccupations, et instaurer un dialogue constructif.
Il peut s’agir d’une négociation informelle, sans règles particulières, comme les parties peuvent utiliser les outils existants dits « modes amiables de règlement des différends ».
- La médiation
« La médiation est un processus à la fois de création ou de recréation du lien social ainsi que de prévention ou de règlement des conflits. Basée sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées, la médiation est une réponse aux besoins de gouvernance ressentis dans tous les secteurs de la vie humaine : l’entreprise, la famille, la cité… » (Michèle Guillaume-Hofnung, http://www.irenees.net/bdf_fiche-entretien-66_fr.html)
La médiation est une manière rapide et peu coûteuse de mettre fin à un conflit, à travers des solutions créatives et des scénarios « win-win », permettant à l’ensemble des parties d’avoir satisfaction.
En France, la médiation prend progressivement une place importante, que ce soit dans un cadre judiciaire ou conventionnel.
Les parties peuvent y avoir recours en présence ou en l’absence d’une clause de médiation dans le contrat initial, puisqu’il s’agit d’un processus volontaire, qui peut être initié à tout moment, même après la naissance du litige.
C’est ainsi qu’en raison de la prorogation des délais, les parties ayant décidé de recourir à la justice peuvent tenter de mettre en place un processus de médiation, qui leur permettra de rechercher la solution la plus adaptée à leur situation particulière.
Des centres de médiation existent également qui continuent à fonctionner à l’aide des outils de visio ou télé conférence.
Conscient de l’efficacité de la médiation dans une situation de crise, le Gouvernement a mis en place des mesures de soutien immédiates aux entreprises, dont le Médiateur des entreprises avec pour objectif d’aider les chefs d’entreprise à trouver des solutions à tout type de différends qu’ils peuvent rencontrer avec une autre entreprise ou administration. Il s’agit d’un service de médiation gratuit, rapide et confidentiel. (https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises).
Le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris propose, pendant la période de confinement, des médiations gratuites pour permettre d’obtenir des solutions rapides, pour tous les litiges dont l’enjeu porte jusqu’à 50.000 euros. Il suffit de les saisir à l’adresse suivante : cmap@cmap.fr (https://www.cmap.fr/le-cmap-solidaire-des-entreprises-avec-la-cci-paris-lle-de-france/).
De même, la Fédération Française des Centres de Médiation propose (sous réserve d’autres dispositifs locaux) pendant la période de confinement de la joindre en ligne par le menu « CONTACT » du site https://www.ffcmediation.org/ ou en cas d’urgence par téléphone au 01.84.20.03.01 pour obtenir : une information téléphonique gratuite sur la médiation (30 minutes). En cas d’accord sur la mise en place du processus, prise de contact téléphonique gratuite avec l’autre partie (« pré médiation » de 30 minutes). Enfin, en cas d’accord, mise en œuvre en ligne.
Enfin, Le Barreau de Paris dispose d’un site internet lancé le 3 juin 2019 (https://mediation.avocats.paris/) qui, en plus de présenter le processus de médiation, offre une aide au choix du médiateur et la possibilité de consulter l’annuaire des avocats médiateurs.
Dans la même lignée, en sa séance du vendredi 20 mars 2020, le Conseil de l’Ordre de Paris, dans une démarche solidaire, a mis en place un groupe d’avocats-médiateurs, particulièrement dédiés à la résolution en urgence, des litiges liés à l’exercice de l’autorité parentale durant la période de confinement. Plusieurs difficultés se posent en effet en cette période, notamment concernant l’exercice du droit de visite, la pension alimentaire, ou la recrudescence des projets de divorce. En cas d’accord, les avocats se chargent de la rédaction et l’homologation.
D’autres modes amiables de règlement des différends ne sont pas en reste, et qui n’impliquent pas l’intervention d’un tiers.
- Le processus collaboratif
Le processus collaboratif est un mode amiable de règlement des différends, mis en place de manière contractuelle, à travers une convention signée par les parties et leurs avocats respectifs. Ces derniers sont obligatoirement formés à cette méthode de travail.
Les parties et leurs avocats travaillent en équipe, dans un cadre structuré et hors de la menace d’une saisine judiciaire, d’où un climat de négociation apaisé. Les avocats s’engagent à se retirer de la défense de leurs clients au contentieux.
Il est possible d’avoir recours au processus collaboratif quel que soit le domaine concerné.
L’Association Française des Praticiens en Processus Collaboratif (“AFPDC”), a mis en place des permanences « COVID-19 » pour informer sur le processus collaboratif et les méthodes de négociation raisonnée qui permettent de résoudre efficacement les différends et les conflits, notamment quand il n’est pas possible de saisir un juge.
- La procédure participative
C’est une procédure prévue par le Code de procédure civile français, qui permet de rechercher un accord total ou partiel tout en gagnant du temps car la procédure judiciaire est alors écourtée.
La procédure participative est encadrée par un contrat signé par les parties seules, mais dont le déroulement se fait en présence de leurs avocats qui pourront demeurer auprès d’eux en cas de contentieux ultérieur.
En l’absence d’accord, il est possible de recourir à la procédure participative de mise en état, qui est possible devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.
Tous ces processus existent et sont parfaitement adaptés aux contraintes de l’état d’urgence sanitaire et semblent être une solution adéquate afin de permettre la continuité de l’activité économique comme ils peuvent être utilisés dans tous autres domaines.