Maroc – Convocation de l’AG en cas d’absence du gérant

Deux propositions de lois modifiant les articles 71 et 85 de la loi 5-96, adoptées par la chambre des représentants viennent ajouter des cas exceptionnels de convocation aux assemblées générales. Elles concernent les cas de vacance du poste de gérant.

Comment se passe actuellement la convocation de l’assemblée générale en cas de vacance du poste de gérant, notamment en cas de décès ?

Si l’on prend le cas de la SARL, la désignation du gérant est décidée en assemblée générale par les associés représentant au moins les trois-quarts du capital social, à l’exception des SARLAU.

Ainsi, en cas de vacance de la fonction de gérant pour quelque raison que ce soit, il est nécessaire de convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de statuer sur la désignation d’un nouveau gérant.

Les associés, selon l’article 71 de la loi 05-96 sont convoqués 15 jours au moins avant l’AG par LRAR, sauf dispositions statutaires contraires. La convocation est faite par le gérant ou, à défaut, par le ou les commissaires aux comptes, le cas échéant.

Le même article prévoit qu’un ou plusieurs associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant, s’ils représentent au moins le quart des associés, le quart des parts sociales, peuvent demander la réunion d’une assemblée générale. Cette demande se fait à l’attention du gérant.

A défaut, les associés devront saisir le président du tribunal pour désigner un mandataire ad hoc afin de convoquer l’assemblée générale pour la désignation du gérant.

Néanmoins, les associés peuvent parfois se heurter à un rejet considérant que les dispositions de l’article 71 se limitent à la situation dans laquelle le gérant s’abstiendrait de convoquer l’AG malgré la demande des associés.

Un tel rejet serait infondé puisque l’absence de gérant justifie la désignation d’un mandataire ad hoc par le tribunal afin de convoquer l’assemblée générale avec un ordre du jour défini.

En termes de temps, les procédures sont suivies en référé, et peuvent, selon le cas prendre quelques jours à quelques semaines. Le tout, sachant qu’aujourd’hui les jugements son encore rédigés après le prononcé et le processus de rédaction de l’ordonnance du président du tribunal et de son exécution peut rallonger la procédure qui de bout en bout peut durer quelques mois.

Pendant tout ce temps, l’activité de la société est entravée avec tout ce que cela comporte comme risques sur son chiffre d’affaires et sa survie.

Est-ce que la mise en place de cette modification visant à permettre à l’associé de convoquer lui-même l’assemblée générale va apporter un changement positif pour l’entreprise ?

La proposition vise à introduire dans le cadre de l’article 71 de la loi une exception permettant aux associés de convoquer l’assemblée générale en cas de poste vacant de gérant pour quelque raison que ce soit, afin de désigner un nouveau gérant.

Il s’agit d’une proposition incontestablement positive dans la mesure où cela permet d’éviter le recours au tribunal, qui, même dans le cadre de procédures en référé, peut prendre du temps tout en entravant le fonctionnement de la société puisque le pouvoir de représentation de celle-ci et de signature appartient au gérant.

Cette proposition se rapproche des dispositions de l’alinéa 8 de l’article 223-27 du Code de commerce français qui dispose que : « Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant ou si le gérant unique est placé en tutelle, le commissaire aux comptes ou tout associé convoque l’assemblée des associés à seule fin de procéder, le cas échéant, à la révocation du gérant unique et, dans tous les cas, à la désignation d’un ou de plusieurs gérants. Cette convocation a lieu dans les formes et délais prévus par décret en Conseil d’Etat. »

La proposition de modification de l’article 71 de la loi 05-96 est formulée comme suit : « par dérogation aux dispositions ci-dessus, tout associé ou plus, mentionné au 4ème paragraphe de cet article, peut, en cas du poste vacant de gérant pour quelque raison que ce soit, convoquer une AG de la société pour désigner un nouveau gérant ».

La formulation large de cet article laisse entendre qu’il est applicable en cas de décès, de perte de capacité ou de sanctions telles que l’interdiction de gérer. Il semble également que tout associé le plus diligent serait en mesure de procéder à la convocation.

Il en est de même de l’article 85 de la même loi qui exclut la dissolution de la SARL en cas de décès d’un associé, disposition inapplicable pour les SARLAU.

La proposition vise à permettre aux héritiers ou ayants droit de demander au président du tribunal compétent de désigner un mandataire pour convoquer une AG de la société afin de mettre à jour ses statuts pour les rendre conformes à la loi dans un délai de 60 jours à compter de la date du décès.

La dissolution d’une SARLU pour décès de l’associé unique est une aberration. Les parts sociales doivent faire l’objet de transmission aux héritiers et ceux-ci doivent pouvoir désigner parmi eux ou en dehors d’eux un gérant pour permettre à la société de continuer son activité, y compris si l’objectif final est sa cession.

Ceci préserve l’activité et les emplois des salariés de la société, ainsi que les intérêts de ses créanciers. La proposition ne prévoit pas expressément la sanction de l’inaction des héritiers dans un délai de 60 jours qui sera éventuellement la dissolution de la société.

Quid de la justice ? Sera-t-elle plus allégée en étant moins sollicitée pour de telles demandes ?

Effectivement, il n’échappe à personne qu’un désengorgement de la justice est nécessaire et que la multiplication de contentieux en référé tendant à accomplir de simples formalités est inutile.

En 2023 les tribunaux marocains ont enregistré un nombre record de 4,6 millions de dossiers en plus de plus de 700 mille dossiers reportés depuis 2022.

Une grande partie de ces dossiers sont des ordonnances sur requête ou des actions en référé qu’il est éventuellement possible d’éviter.

Y a-t-il d’autres procédures auxquelles vous pensez qui devraient elles aussi être modifiées pour faire gagner du temps à l’entreprise ?

La pratique révèle la difficulté de dissoudre les sociétés existantes ou même des succursales de sociétés étrangères.

Les procédures de dissolution pour mésentente des associés sont longues et la société ainsi que ses créanciers subissent les conséquences de la lenteur des procédures.

Il en est de même pour des sociétés créées et abandonnées, n’ayant aucune activité et que les associés peinent à dissoudre en raison de procédures complexes.

Il est éventuellement nécessaire de revoir ce volet que ce soit d’un point de vue réglementaire ou dans le cadre de la pratique des tribunaux en la matière.

Enfin, en ma qualité de médiatrice, j’encouragerai toujours les associés et gérants à envisager en cas de blocages le recours à la médiation qui peut s’avérer dans certains cas plus rapide qu’une action en référé.

Retrouvez nous à ce propos sur Médias24:

https://medias24.com/2024/07/25/convocation-des-ag-ce-que-changent-les-nouvelles-dispositions-de-la-loi-avis-dexpert/

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

bwsCaptcha *

fr_FRFrench