CA Paris, 5-16, 4 avr. 2023, no 22/00410, SA Port autonome de [Localité 3] (PAD) c/ Credendo expert credit agency et a.
L’espèce porte sur un contrat prévoyant l’application du droit camerounais et le recours à l’arbitrage dans le cadre d’une clause compromissoire.
Une subrogation a eu lieu dans les droits de l’une des parties au profit d’une compagnie d’assurance, venant aux droits d’une société belge, et qui est amenée, de ce fait, à être partie à l’arbitrage, posant ainsi la question de la qualité à agir.
Le tribunal arbitral a tranché la question en application du droit belge, différent du droit choisi par les parties dans le contrat initial.
La Cour d’appel valide la solution retenue par le tribunal arbitral par une interprétation de la clause relative à la loi applicable qui visait les « droits et obligations découlant du marché », ce qui exclut la question de la qualité à agir.
4 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00410
Pôle 5 – Chambre 16
Texte de la décisionREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Chambre commerciale internationale POLE 5 – CHAMBRE 16 ARRET DU 04 AVRIL 2023 (n° 38 /2023 , 9 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00410 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5WZ Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale finale rendue à Paris le 23 septembre 2021 sous la référence CCI n° 24961/DDA DEMANDERESSE AU RECOURS : S.A. PORT AUTONOME DE [Localité 3] (PAD) Société Anonyme à capital public ayant l’Etat comme unique actionnaire, au capital de 18 902 000 000 FCFA, immatriculée au Registre du Commerce de DOUALA, sous le n°RC/DLA/2003/B/030153, ayant son siège social : [Adresse 2] (CAMEROUN) prise en la personne de ses représentants légaux, Ayant pour avocat postulant : par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065 Ayant pour avocats plaidants : Me Emmanuel TANG, avocat au barreau du CAMEROUN Me Gill DINGOME, avocat au barreau de PARIS, toque : K0027 ; Me Amad Tijan KOUOTOU, avocat au barreau du CAMEROUN ;Me Evelyne MEMPHIL, avocat au barreau de PARIS ; et Me Tarcile Gaëlle TANG, avocat au barreau du CAMEROUN DEFENDEURS AU RECOURS : CREDENDO EXPERT CREDIT AGENCY établissement public autonome de droit belge, immatriculée auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n°0203.286.759 ayant son siège social : [Adresse 1] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal, JAN DE NUL société anonyme de droit belge immatriculée auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises sous le n°0406.041.406 ayant son siège social : [Adresse 4] (BELGIQUE) prise en la personne de son représentant légal, Ayant pour avocat postulant : Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 Ayant pour avocats plaidants : Me Christian CAMBOULIVE, Me Etienne KOCHOYAN, Me Raphaëlle DEBORDES, du cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au Barreau de PARIS ; toque : T03 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Daniel BARLOW, Président de chambre Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre Mme Laure ALDEBERT, Conseillère qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Daniel BARLOW dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI ARRET : – contradictoire – prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. – signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.I/ FAITS ET PROCEDURE
1. La cour est saisie d’un recours en annulation contre une sentence arbitrale finale rendue à Paris, le 23 septembre 2021, sous l’égide de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, dans un litige opposant : – d’une part, la société de droit camerounais Port Autonome de [Localité 3] (ci-après : « le PAD ») ; – de l’autre, la société de droit belge Jan de Nul (ci-après : « JDN ») et l’établissement public autonome de droit belge Ducroire, qui exerce sous la dénomination Credendo Export Credit Agency (ci-après : « Credendo »). 2. Le différend trouve son origine dans l’exécution d’un marché public n° 493/GG/PAD/2008, conclu le 30 avril 2008 entre le PAD et JDN pour la réalisation de travaux de dragage, d’approfondissement et d’entretien dans le chenal d’accès au Port de [Localité 3], pour lequel la société JDN a souscrit auprès de Credendo une police d’assurance couvrant le risque de résiliation du marché et de défaut de paiement par le PAD. 3. Une première série des travaux a été réalisée par JDN entre 2009 et février 2010, qui a fait l’objet de décomptes provisoires n° 1 à 12 réglés par le PAD. 4. Par lettre du 31 mars 2010, le Directeur général des impôts du Cameroun a informé JDN de l’application au marché d’une taxe spéciale sur le revenu de 15 % (ci-après : « TSR »). JDN s’est acquittée directement de cette taxe auprès du Trésor camerounais de mars à juillet 2010, puis un système de retenue à la source a été mis en place. 5. Une deuxième série des travaux a été réalisée par JDN de février 2010 à septembre 2012, dont les décomptes provisoires n° 13 à 42 ont été réglés par le PAD. 6. En juillet 2014, le PAD a remboursé à JDN les sommes qu’elle avait versées au titre de la TSR. 7. Il a refusé de payer les décomptes n° 43 à 48 émis à la suite de travaux effectués entre février et juin 2014, subordonnant leur règlement à la récupération de la TSR acquittée au titre des décomptes n° 13 à 42 et à la conclusion d’un avenant de régularisation. 8. Credendo a remboursé à JDN 95 % des montants dus par le PAD au titre de ces décomptes, soit un total de 8 921 296 euros. 9. C’est dans ces circonstance que, le 22 novembre 2019, JDN et Credendo ont introduit une demande d’arbitrage auprès de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, sur le fondement d’une clause d’arbitrage insérée à l’article 40 du contrat de marché. 10. Par sentence partielle du 21 décembre 2020, le tribunal arbitral a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le PAD et s’est déclaré compétent pour trancher le litige entre les parties. 11. Par sentence finale du 23 septembre 2021, il a statué en ces termes : 1. Décide que les Demandeurs sont fondés à recevoir le paiement de la totalité du « net à mandater » des décomptes n°43 à 47 et en conséquence condamne le Port Autonome de [Localité 3] à payer 8 475 231,2 € à Credendo Export Credit Agency et 446 064,8 € à Jan de Nul SA ; 2. Dit que les sommes de 8 475 231,2 € et 446 064,8 € seront assorties d’intérêts au taux de 1,25% à compter du 2 mars 2016 et jusqu’à la date de paiement effective par le Port Autonome de [Localité 3] ; 3. Condamne le Port Autonome de [Localité 3] à payer à Credendo Export Credit Agency 552 396,99 € et à Jan de Nul 29 073,53 € au titre des frais de défense exposés par eux ; 4. Dit que les sommes de 552 396,99 € et 29 073,53 € correspondant aux frais de défense exposés par Credendo Export Credit Agency et Jan de Nul porteront intérêts au taux de 1,25% à compter d’un délai de trente jours fin de mois suivant la notification de la sentence finale et jusqu’à la date de leur paiement effectif ; 5. Condamne le Port Autonome de [Localité 3] à payer à Credendo Export Credit Agency 230 000 USD en concept de coûts de l’arbitrage ; 6. Dit que la somme de 230 000 USD correspondant au coût de l’arbitrage portera intérêt au taux de 1,25 % à compter d’un délai de trente jours fin de mois suivant la notification de la sentence finale et jusqu’à la date de son paiement effectif ; 7. Ordonne l’exécution provisoire de la sentence ; 12. Le 16 décembre 2021, la société PAD a formé un recours en annulation contre cette sentence devant la cour de céans. 13. À l’issue de la mise en état, la clôture a été prononcée le 17 janvier 2023, l’affaire étant appelée à l’audience de plaidoiries du 7 février 2023. II/ PRETENTIONS DES PARTIES 14. Dans ses dernières conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, le PAD demande à la cour, au visa de la sentence arbitrale finale rendue le 23 septembre 2021, de l’article 1520, 3° et 5°, du code de procédure civile et des moyens invoqués et des pièces versées aux débats, de bien vouloir : – déclarer le Port Autonome de [Localité 3] recevable et bien fondé en son recours en annulation ; Y faisant droit, – prononcer l’annulation de la sentence arbitrale finale du 23 septembre 2021 sur le premier moyen tiré de ce que le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; – prononcer l’annulation de la sentence arbitrale du 23 septembre 2021 sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’ordre public international ; En toutes hypothèses, – annuler la sentence arbitrale finale du 23 septembre 2021 et faire droit aux demandes du Port Autonome de [Localité 3] ; – débouter les défendeurs au recours de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ; – condamner in solidum la société Jan de Nul et l’établissement Credendo, ducroire, agissant sous la dénomination commerciale Credendo Export Credit Agency à la somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. – condamner in solidum la société Jan de Nul et l’établissement Credendo, Ducroire, agissant sous la dénomination commerciale Credendo Export Credit Agency aux dépens dont distraction au profit de Maître Etevenard, Avocat aux offres de droit. 15. Dans leurs dernières conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, la société JDN et l’établissement Credendo demandent à la cour de bien vouloir : – débouter le Port Autonome de [Localité 3] du recours en annulation déposé le 16 décembre 2021 contre la sentence finale dans l’affaire CCI n° 24961/DDA ; – condamner le Port Autonome de [Localité 3] au paiement de la somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner le Port Autonome de [Localité 3] aux entiers dépens. III/ MOTIFS DE LA DECISION 16. Le PAD développe deux moyens d’annulation tirés, le premier, du non-respect par le tribunal de sa mission, le second, de la violation de l’ordre public international. A. Sur le premier moyen tiré du non-respect par le tribunal arbitral de sa mission 17. Le PAD fait grief au tribunal arbitral d’avoir statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée, en ce que : – les parties avaient expressément choisi le droit camerounais comme droit applicable au règlement du litige ; – pour rejeter le défaut de qualité de Credendo soulevé par le PAD, le tribunal arbitral a prétendu qu’il s’agissait d’une question procédurale pour laquelle les parties n’avaient pas choisi le droit applicable et fait application du droit belge ; – il a, ce faisant, commis un excès de pouvoir, ne s’est pas conformé à la mission qui lui avait été confiée et à violé la volonté des parties. 18. JDN et Credendo répliquent que : – si les parties ont indiscutablement choisi de voir le droit camerounais s’appliquer au marché, ce choix ne s’étend pas à la question de la qualité à agir de Credendo, laquelle dépend du contrat d’assurance conclu entre JDN et Credendo ; – en l’absence de choix des parties, le tribunal a pu librement décider que le droit belge, qui régissait le contrat d’assurance, était applicable à la détermination de la qualité à agir de Credendo, compte tenu de la subrogation intervenue par la mise en ‘uvre de ce contrat d’assurance ; – en tout état de cause, et comme le tribunal arbitral l’a relevé, rien n’indique que la solution eut été matériellement différente si le droit camerounais avait été appliqué à la question de la qualité à agir de Credendo.SUR CE : 19. L’article 1520, 3°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée. 20. En vertu de l’article 1511 du même code, il appartient au tribunal arbitral de trancher le litige conformément aux règles de droit que les parties ont choisies ou, à défaut, conformément à celles qu’il estime appropriées. 21. En l’espèce, le marché litigieux stipule à l’article 4 que : « En tout ce qui n’est pas contraire au présent marché, l’Entrepreneur reste soumis aux textes généraux ci-après : 1. Le Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics au Cameroun ; 2. Le Décret n° 2003/651/PM du 16 avril 2003 fixant les Modalités d’Application du Régime Fiscal et Douanier des Marchés Publics ; 3. L’Arrêté n°033 du 13 février 2007 mettant en vigueur le Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) applicables aux marchés des travaux, des fournitures et des prestations intellectuelles en République du Cameroun. ». 22. L’article 35 prévoit que le marché est soumis au régime fiscal et douanier en vigueur au Cameroun. 23. Les parties ont convenu dans la demande d’arbitrage (par. 85) et dans la réponse à la demande d’arbitrage (par. 118) que « le droit applicable est le droit camerounais ». 24. Appelé à se prononcer sur la qualité pour agir de Credendo, le tribunal arbitral a, dans le cadre ainsi déterminé, considéré que cette qualité devait être appréciée à l’aune du droit belge (sentence, par. 127), retenant qu’elle trouvait son origine dans la subrogation intervenue entre JDN et Credendo par effet de la mise en jeu de la police d’assurance liant ces deux sociétés de droit belge. 25. Cette motivation ne saurait être regardée comme constitutive d’une violation de sa mission par le tribunal arbitral dès lors que : – les clauses de choix de loi stipulées aux articles 4 et 35 précités ne concernent que les droits et obligations découlant du marché ; – la désignation du droit applicable dans la demande d’arbitrage produite par JDN et Credendo est circonscrite à ces seuls droits et obligations, par la réserve : « Conformément au marché » ; – il ne saurait, dans ces conditions, être considéré qu’un accord existait entre les parties sur le droit applicable à l’appréciation de la qualité pour agir de Credendo, qui est indépendante du marché litigieux pour trouver son origine dans une subrogation résultant d’un contrat d’assurance de droit belge ; – le tribunal était dès lors libre, sans méconnaître les termes de sa mission, de trancher cette question conformément aux règles de droit qu’il estimait appropriées. 26. Le moyen développé de ce chef par le PAD est dès lors inopérant. B. Sur le deuxième moyen trié de la violation de l’ordre public international 27. Le PAD soutient que la sentence arbitrale du 23 septembre 2021 est contraire à l’ordre public international en ce qu’elle viole les dispositions fiscales légales et réglementaires impératives et d’ordre public du Cameroun dès lors que : – en droit camerounais, seul applicable au marché public, le PAD est le redevable légal de la TSR et JDN en est le redevable réel ; – les dispositions fiscales relatives à la TSR sont impératives et d’ordre public et ne peuvent pas être modifiées selon le bon vouloir des parties en vertu de la prétendue liberté contractuelle ; – le fait pour JDN de refuser de rembourser au PAD la TSR pour les décomptes n° 13 à 42 constitue une fraude fiscale, un détournement des deniers publics et une infraction pénale ; – en méconnaissant ces principes, la sentence arbitrale porte atteinte à l’ordre public international et aux valeurs et principes dont l’ordre juridique français ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international. 28. Il fait en outre valoir que la sentence arbitrale a violé l’inarbitrabilité de la matière fiscale sur un point déjà tranché par le Directeur général des impôts du Cameroun qui, par décision définitive et inattaquable du 31 mars 2010, a jugé que la charge économique de la TSR incombe exclusivement à JDN. Il expose à ce titre que : – le tribunal arbitral a unilatéralement modifié la décision définitive et inattaquable du DGI du Cameroun du 31 mars 2010 en décidant que la charge économique de la TSR ne devait pas être supportée par JDN ; – c’est donc à tort que la sentence arbitrale finale décide que la charge économique de la TSR ne devait pas être supportée par JDN ; – il y a nécessairement violation de l’ordre public international puisque l’ordre juridique français ne peut pas admettre qu’une sentence arbitrale infirme une décision définitive et inattaquable rendue en matière fiscale par le DGI de France. 29. Il estime enfin que la sentence arbitrale du 23 septembre 2021 cautionne la fraude fiscale commise par JDN en ce que : – la sentence arbitrale finale a pour effet de priver l’État du Cameroun d’une recette fiscale due par un investisseur étranger ; – elle soustrait JDN au paiement de la TSR inhérente au marché public qu’il a exécuté au Cameroun, contrairement à tous les autres investisseurs étrangers qui sont soumis au paiement de la même TSR, ce qui contrevient aux principes de la nation la plus favorisée et du traitement juste et équitable ; – la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, qui constitue une priorité des États et organisations internationales et notamment de l’OCDE, est une valeur dont l’ordre juridique français ne saurait souffrir la méconnaissance. 30. JDN et Credendo répliquent que : – le tribunal arbitral a correctement appliqué les dispositions fiscales invoquées comme des lois de police par le demandeur, aucune ne fondant d’interdiction pour les parties de s’accorder contractuellement sur la répartition de la charge économique d’un impôt ; – l’éventuelle mauvaise application de la loi fiscale camerounaise ne constitue pas une violation de l’ordre public international ; – les règles de droit fiscal ou de passation des marchés publics d’un État étranger ne relèvent pas de la conception française de l’ordre public international, de sorte que leur violation alléguée ne peut conduire à l’annulation d’une sentence arbitrale ; – les courriers du Directeur général des impôts camerounais ne sont pas des décisions ayant caractère exécutoire ; – ils ne sont en tout état de cause pas inconciliables avec la sentence finale ; – il ne peut y avoir inconciliabilité d’une sentence qu’avec une décision émanant d’une autorité judiciaire ou exerçant une fonction juridictionnelle, le PAD ne démontrant pas que des courriers du DGI, autorité administrative camerounaise et non judiciaire, puissent être qualifiés de « décisions » ; – le fait qu’aucun recours n’ait été intenté contre ces courriers devant une juridiction camerounaise ne suffit pas à leur conférer la moindre force exécutoire en France, une décision camerounaise ne pouvant obtenir force exécutoire qu’après avoir obtenu l’exequatur auprès des autorités judiciaires françaises, ce qui n’est pas le cas. SUR CE : 31. En vertu de l’article 1520, 5°, du code de procédure civile, le recours en annulation est ouvert lorsque la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public international. 32. L’ordre public international au regard duquel s’effectue le contrôle du juge s’entend de la conception qu’en a l’ordre juridique français, c’est-à-dire des valeurs et des principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international. 33. Il est à cet égard admis que l’inobservation de règles applicables en matière fiscale ne saurait être sanctionnée pour elle-même, au titre de l’ordre public international, indépendamment de l’allégation d’une fraude ou d’une atteinte à l’objectif de lutte contre la corruption. 34. En l’espèce, la seule contrariété alléguée par le PAD de la solution retenue par le tribunal arbitral avec les règles impératives du droit fiscal camerounais, à la supposer admise, ne saurait donc suffire à justifier l’annulation de la sentence querellée pour violation de l’ordre public international. En quoi, la première branche du moyen articulé de ce chef manque en droit. 35. L’allégation de fraude opposée par le demandeur n’est quant à elle nullement établie, la cour relevant sur ce point que le PAD procède ici par simple affirmation, non étayée en fait et en droit. Il ne peut en effet être déduit des textes cités dans ses écritures l’interdiction d’une entente contractuelle sur la répartition économique de la charge de l’imposition, le PAD ne démontrant pas en quoi celle-ci serait constitutive des infractions auxquelles il se réfère. En quoi, la troisième branche du moyen est inopérante. 36. Enfin, si l’inconciliabilité de la sentence critiquée avec une autre décision est susceptible de constituer une violation caractérisée de l’ordre public international en tant qu’elle serait de nature à emporter des conséquences juridiques qui s’excluent mutuellement, le PAD ne saurait utilement se prévaloir à ce titre des lettres du Directeur général des impôts du Cameroun, ces documents, qui ne disent rien de la possibilité ou de l’impossibilité d’un aménagement contractuel de la charge économique finale de l’imposition, ne présentant pas un caractère juridictionnel ni même exécutoire. En quoi, la deuxième branche du moyen est également inopérante. 37. Il y a lieu, au vu de ce qui précède, d’écarter le moyen tiré de la contrariété de la sentence avec l’ordre public international. 38. D’où il suit que le recours en annulation formé par le PAD contre la sentence finale rendue le 23 septembre 2021 doit être rejeté. C. Sur les frais et dépens 39. Le PAD, qui succombe, sera condamné aux dépens, la demande qu’il forme au titre de l’article 700 du code de procédure civile étant rejetée. 40. Il sera en outre condamné à payer à la société Jan de Nul et à l’établissement public Credendo, une somme totale de 20 000 euros en application du même article. IV/ DISPOSITIF
Par ces motifs, la cour :
1) Rejette le recours en annulation formé par le Port Autonome de [Localité 3] contre la sentence arbitrale finale rendue à Paris le 23 septembre 2021 sous la référence CCI n° 24961/DDA ; 2) Condamne le Port Autonome de [Localité 3] à payer à la société Jan de Nul et à l’établissement public Credendo Export Credit Agency la somme de vingt mille euros (20 000 €) ; 3) Condamne le Port Autonome de [Localité 3] aux dépens. LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,
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