Abus de minorité – Changer l’Objet social et intérêt social

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 mars 2024, 22-13.764

Une société est détenue par deux associés dont un associé majoritaire et un associé minoritaire. La société a pour objet « la création et l’exploitation d’un fonds de commerce de type supermarché sis à ……, à l’enseigne Carrefour Contact ou toute autre enseigne appartenant au groupe Carrefour, à l’exclusion de toute autre ». Les contrats conclus avec Carrefour ont été dénoncés, d’où un projet de résolution soumis à l’assemblée générale des associés de modification de l’objet social. Lors de l’assemblée générale de la société, un associé a voté contre un projet de résolution tendant à modifier l’objet social en supprimant la référence à une exploitation sous enseigne Carrefour. L’associé en question a été assigné pour abus de minorité et de voir désigner un mandataire ad hoc avec pour mission de voter en son nom sur les projets de résolution. Selon la Cour de cassation, « le refus d’un associé minoritaire de modifier l’objet social peut être contraire à l’intérêt général de la société. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé ». Le droit de vote est un droit fondamental de tout associé, moyen d’expression à l’assemblée, qui peut lui être enlevé. Cette prérogative doit s’exercer librement, dans la limite de l’abus qu’il soit de majorité ou de minorité. L’abus résulte d’une position de l’associé contraire à l’intérêt social ou même à l’objet social et d’un vote exercé dans l’unique perspective de favoriser un groupe majoritaire ou minoritaire d’actionnaires au détriment des autres. Il peut s’agir d’un abus d’égalité également.

Lorsque l’un des associés détient dans le capital social une part supérieure à celle de l’autre, en cas d’abus il peut consister soit en un abus de majorité, soit en un abus de minorité.

L’abus de majorité est la circonstance dans laquelle des associés ou actionnaires minoritaires se plaignent d’une décision abusive prise par les actionnaires majoritaires. Deux conditions sont exigées :

  • l’atteinte portée à l’intérêt social par la décision adoptée,
  • la rupture d’égalité au profit des majoritaires. (Cass. com., 26 sept. 2018, n°  16-21825)

L’abus de minorité peut résulter de l’opposition systématique des associés minoritaires, en s’opposant injustement à l’adoption d’une décision essentielle pour la survie de la société, dans la mesure où ceci est contraire à l’intérêt social.

La notion d’abus d’égalité consiste en une opposition entre deux associés ou deux blocs d’associés égalitaires : « Constitue un abus d’égalité le fait, pour un associé à parts égales, d’empêcher, par son vote négatif, une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé ; le fait que les actionnaires fondateurs d’une société ont entendu soumettre l’ensemble de leurs décisions à la règle de l’unanimité, ce qui a pour conséquence que l’une comme l’autre sociétés ont accepté l’hypothèse d’une mésentente conduisant à un blocage du fonctionnement de la société, voire à la disparition de l’affectio societatis, est impropre à exclure l’existence d’un abus d’égalité. » (Cass. com., 21 juin 2023, no 21-23298)

La réponse judiciaire à une telle situation consiste :

  • soit dans la désignation par le juge d’un mandataire afin de représenter l’associé minoritaire ou égalitaire défaillant à une nouvelle assemblée et de voter en son nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social, mais sans que le juge puisse imposer le sens du vote audit mandataire ;

  • soit en l’allocation de dommages et intérêts.

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